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Appel silencieux

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Florian Grézat

jeudi 10 décembre 2020

Appel silencieux – novembre 2020 –

Ce monde qui va 

   a besoin d’humilité 

Nous sommes des êtres vivants faisant partie d’un tout. Il m’arrive de l’oublier 

     et de me croire au-dessus ou en-dessous

ce qui revient au-même

Il arrive que la peur et

     il arrive aussi que la colère

Je prends une grande inspiration d’air frais et reconnais la violence qui est en moi

   Elle est là et a quelque chose à voir avec celles qui se manifestent dans ce monde : les violences policières, djihadistes, sexuelles, conjugales, déforestantes, pédophiles, insidieuses, contre les animaux, de celles et ceux qui s’arrogent d’un pouvoir, du « je sais/tu ne sais pas »…

Ma violence est là, je la regarde et en prends la mesure. Je la soupèse

   Ce n’est pas facile – c’est subtil

Ma violence est souvent comme un cerf traqué par une meute de chiens dans une forêt sombre et humide

Toute violence est énergie, l’anéantir est impossible

Faire preuve d’humilité ce n’est pas éradiquer ma violence

     ni la retourner contre moi

– c’est en faire quelque chose –

Je ne suis pas moins violent qu’un élu qui profite de sa condition d’élu

       ni qu’un torero qui enfonce son épée dans le cou d’un taureau

Je suis toutes ces violences 

   En faire quelque chose c’est être responsable

La nier, c’est la projeter sur l’autre ou la retourner contre moi

Dire à une personne que j’ai blessée « le passé c’est le passé » sans prendre le temps de reconnaître ma part de responsabilité, c’est nourrir la violence en moi, c’est être dominé par elle et l’alimenter chez l’autre

Le manque d’humilité engendre de la violence 

   être humble, ce n’est pas être gentil 

         c’est dire : « je prends la responsabilité de ma violence et n’accepte plus la votre dont vous ne faites rien »

Les élus n’ont pas besoin d’un casier judiciaire vierge pour travailler, alors qu’ils sont à des places de décisionnaires. Leurs choix vont avoir un impact direct et concret sur notre quotidien. Ils exercent un pouvoir et parfois profitent d’avantages tout à fait légaux :

     L’IRFM (Indemnité Représentative de Frais de Mandat), 5 770 euros pour les députés et 6 200 euros pour les sénateurs, est transformé depuis 2017 en AFM (Avance de Frais de Mandat) conformément aux dispositions de la loi pour la confiance dans la vie politique

Comment gèrent-ils cet argent ?

       Est-il possible d’avoir une neutralité dans sa réflexion avec de tels avantages ?

Souvent je me demande quelle est la motivation première à gouverner, à exercer un pouvoir

C’est un autre monde, un monde qui dit « je sais/vous ne savez pas »

J’exerce en tant qu’éducateur spécialisé. Ma mission première est l’accompagnement de personnes en difficultés afin qu’elles soient plus autonomes, plus libres et plus responsables dans leur vie

Je paye le carburant qui me permet de me rendre à mon travail, mon loyer, ma nourriture

Je paye mes chaussures qui me permettent de participer aux activités du centre

     Mon salaire est moitié moins important que celui d’un député (sans parler de l’AFM)

Quand des élus avec des avantages comme ceux-là disent de faire des efforts, de mettre la main à la poche, je sens monter en moi une violence sans nom

Alors je me dis : « je suis jaloux, j’aimerais avoir plus d’argent, un appartement de fonction, l’AFM… »

La culpabilité d’avoir une telle pensée fait son apparition

   

La culpabilité engendre une violence contre soi

Cette pensée reste là un temps, je l’observe et me dis : « non ». Il ne s’agit pas de comparaison en termes d’argent à la fin du mois. Il est question de responsabilité, de choix, de mouvement intérieur

   Il est question de symbole

Même en cherchant bien, je n’arrive pas à comprendre la légitimité de tels avantages

– ils pervertissent toute prise de décision –

Je pense aussi aux avantages de ceux qui ont été Président de la République Française : une retraite de 6 000 euros brut par mois, une voiture de fonction, un garde du corps, une possibilité de voyager illimitée en train ou en avion… Des avantages que je participe à payer avec mes impôts…

Ce n’est plus possible 

Toute prise de pouvoir (élu de toutes sortes) devrait être exempt d’avantages financiers avec une obligation de faire des stages dans la vie réelle : avec des aides soignant.es dans un EPHAD, dans une boulangerie, dans un service qui s’occupe de l’entretien des routes, dans une crèche… 

La loi qui a permis de passer de l’IRFM à l’AFM s’appelle « Loi pour la confiance dans la vie politique » promulguée en septembre 2017

Confiance dans la vie politique…

A-t-il été question dans cette loi de l’obligation d’avoir un casier judiciaire vierge pour exercer en tant qu’élu ?

En ce moment un homme (Pierre Larrouturou, Rapporteur Général du Budget) fait une grève de la faim pour que soit adoptée une taxe sur les transactions financières – ou plus exactement, sur les spéculations financières. M. Macron n’est pas favorable à cette taxe

     Ne pas l’adopter, c’est dire « certains peuvent se gaver sans entrave, pendant que d’autres… »

Confiance dans la vie politique…

Le projet de loi de sécurité globale qui vient d’être adopté par l’Assemblée Nationale vient signifier plus ou moins explicitement que le gouvernement a toute légitimité à exercer une violence sans qu’elle puisse être remise en question

Le pouvoir en place nous invite – non – nous ordonne d’accepter leur violence en nous interdisant de faire quelque chose de la nôtre, mise à part de la retourner contre nous-mêmes

   

L’attirail des forces de l’ordre est une insulte à toute prise de parole

– il attise le feu –

Alors, que celles et ceux qui font le choix de s’engager dans la vie politique –ou dans son ombre – aient le courage, la force et l’intelligence de tendre vers l’humilité

Être humble, c’est reconnaitre qu’un coup de LBD dans le visage ce n’est pas rien ;

que la présence de la France en Algérie pendant 132 ans ce n’est pas rien ;

que la présence de la France en Indochine pendant 96 ans ce n’est pas rien ;

que la présence de la France ici est là pendant… ce n’est pas rien ;

que de fabriquer des armes et les vendre ce n’est pas rien ;

que d’installer du mobilier urbain pour éloigner celles et ceux qui dorment dehors ce n’est pas rien ;

que détourner de l’argent public ce n’est pas rien ;

que la violence appelle la violence ;

Être humble, c’est oser se retourner sur ses actes, en prendre la mesure et transformer sa violence en danse, en chant, en poème 

 Florian Grézat

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