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Ce soir je vais peindre un mot.

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Eric JACQUOT

samedi 04 mai 2019

Ce soir je vais peindre un mot.

« Je vais lui refaire le portrait »

Le fait que ce mot me plaise ou pas n’aura aucune incidence sur le résultat final de l’œuvre. Ce qui m’intéresse c’est moins la structure picturale de la surface à repeindre que le fait de passer le temps sans avoir de but précis sinon la flânerie.

Sa longueur où sa particule n’a rien à voir avec sa qualité intrinsèque. Les gros mots, je ne peux plus les voir même en peinture.

C’est ce qui va se passer ou pas entre lui et moi qui compte. 

Tout le reste n’est que littérature.

D’abord pour commencer, il faut passer un chiffon humide sur ce mot, histoire d’enlever ce qui viendrait l’encombrer. La poussière peut-être pesante, Dieu gît dans les détails.

Il va falloir peindre en palimpseste pour ne pas effacer complètement la sous –couche qui représente la mémoire du mot et qui est souvent son pré-texte. La surimpression ne doit pas se substituer complètement à l’œuvre originelle ni trop masquer ce qui cherche à se dire du passé à travers la proposition du présent. Juste une dilution ou une imagination… Juste une question de réception ou non à un moment précis. 

Avoir une vision globale des deux dimensions apporte une compréhension et de nouveaux sentiments sans oblitérer l’esprit de recherche initial du peintre ni subvertir l’idée première de l’œuvre.

Un mot trop lourd ne se prête paradoxalement pas facilement aux métaux lourds et très gazeux qui vont le coloriser ou le coloniser. C’est très acide la peinture et c’est bizarre que Monsanto ne s’en soit pas mêler. Ils sont parfois si prompt dans le mortifère…

Il y a donc résistance.

La résistance d’un mot se mesure à son effervescence au contact de l’ambiance. Attention trop d’effervescence entraine la dilution du sujet et donc une perte d’essence et le mot à peindre va être taxé carbone au point de vouloir se taire à jamais ou vivre dans la clandestinité. On a vu pire et on le sait.

Prendre ensuite un pistolet à peinture, vérifiez qu’il soit bien chargé à balles réelles et peindre 12 pieds avec des bottes de Sète lieues, multipliez le tout théoriquement en passant simultanément par Foix et Troyes à l’Aube de votre nuit. Divisez ensuite par autant que vous le voulez pour mieux régner.
Attention la vitesse du déplacement doit être dans une commune mesure avec l’ordre des choses. Respectez la limitation de vitesse. Soyez patient, le cas O viendra bien assez tôt, vous dire tout le mal qu’il pense de vous. Le chaos c’est un ordre qui n’a pas trouvé d’adresse et qui se la joue dans le désordre comme conseiller d’orientation pour les mots SDF de naissance et que la société ne peut plus voir en peinture. La société n’aime pas la peinture de toute façon car tout ce qui lui échappe est en général dangereux.

Le dico à l’ombre de la coupole n’abrite pas tous les mots. Le mal-logement existe aussi chez les mots. Je connais beaucoup de vers lents sans carte de séjour ni d’adresse pour se poser sur notre toile et qui reste sans espoir d’arrimage dans la coloration de ce qui nous fait soi disant vivre ensemble!

Les mots ont leur violence particulière que l’on peut peindre en palimpseste sans dénaturer leur couleur d’origine. J’adore les peindre, il pue comme il respire, il transpire à chaque fois un peu de nous et ce n’est jamais agréable, l’image qu’il nous renvoie de ce que nous semblons être entre autre.

En tout cas, il faut prendre la mesure avec précision, la précision à une grande importance car il va falloir peser les mots. Peser un mot cela n’est pas rien, il faut avoir le courage de le faire et cela peut-être très couteux.

Un mot trop lourd lâché par inadvertance peut entrainer l’écrasement du sujet.

Repeindre alors à ce moment et cela même innocemment une compression de César peut apparaitre pour les puristes rapidement des plus iconoclaste. Le puriste est en général plus royaliste que Jupiter. 

C’est un expert et il sait tout de ce qu’il ne connait pas.

Le puriste n’a pas l’humour de son Maître, il est en général de couleur très terne et épurée. Il brille en général par son absence. Il se juge trop pur pour être présent. Dans la palette du peintre ça pureté n’est pas évidente, elle se dilue, elle le rend fluide et inexistant.

Mais laissons à César ce qui ne lui appartient pas.

Et puis un mot c’est fragile, il peut facilement se casser une jambe ou vous la faire par-dessus. Le mot est généralement très joueur. En cas de casse demandez lui de se fabriquer une prothèse verbale, il adore cela. Le mot n’a jamais son mot dans la poche, il est toujours prêt à dégainer et il a crée son propre déambulateur fabriqué dans le marbre de la postérité, il se situe entre le bleu, couleur froide et le rouge sans jamais savoir pourquoi. La postérité ne s’intéresse pas à ce genre de détail.
Munissez-vous d’un pèse-personne, les mots ont leur personnalité et ils restent susceptibles sur le grade qu’on leur accorde. On ne joue pas avec les mots à la Leger(e) comme Fernand sans avoir peint une gare à toi et il ne me viendrait jamais à l’idée de casser ma pipe sans l’aide d’un Magritte.

Un mot cela se cuisine à petit feu. Portez à ébullition mais attention un mot reste très volatile, une explosion langagière peut rapidement devenir outrancière et vous éclabousser de ses projections subjectives. Un mot résiduel cela peut se manger sans fin et il reste parfois difficile à digérer. Un mot tabou coincé au fond d’une gorge, c’est parfois l’étouffe chrétien le moins suspect pour dénoncer la cause des enfants de chœur voleurs de vœux « ça sert Dolto ». Un mot qui fait cheveu sur la langue cela reste toujours d’anges heureux pour la coloration d’un vivre ensemble qui ne soit pas le suspect d’une théorie du complot tramé entre les impressionnistes et les expressionnistes de tout bâbord.

IL faut sortir le mot de son contexte pour voir l’œuvre dans sa globalité et prendre de la distance pour peindre sans minus scie ni mot no tonie. Il faut se laisser aller au pays de l’inconfort. Il faut se surprendre soi-même dans la surprise de ce qui nous échappe. Il y a dans la poésie une forme de sublimation qui s’ignore et qui peint la réalité avec un voile pour la rendre plus légère  .

Conseil : ne jamais prendre un mot trop à la légère surtout quand on le torture dans tous les sens. Il faut absolument prendre des gants et porter le masque n’en déplaise aux lois anti manifestations trans-faire en ciel sur le fond jaune et vert de gris du gaz moutarde de la morne plaine de Dijon.

Un mot lâché trop tôt avant maturité, c’est souvent un mot fâché capable de se retourner contre vous-même en effet boomerang.

Il faut souvent peindre à couteaux tirés, Il faut prendre des précautions surtout quand il s’agit de poésie. Les poètes le savent, un mot de douze pieds cela pue forcément des pieds et il ne reste jamais droit dans ses bottes et ce n’est jamaisfacile à peindre.

N’hésitez pas à le vaporiser d’un léger fluide odorant et anesthésiant pour le rendre plus attractif et le déguiser derrière un concept sophistiqué et vendeur.

Le public adore ce qui le rassure, alors soyez rassurant mais pas trop.

A vos marques, prêt, partez, laissez-vous emporter dans la jungle terrible de votre imagination, vous allez vous surprendre et découvrir qu’un mot peut en cacher des tas d’autres... Et le pire est à venir.
Eric Jacquot 28 avril 2019

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