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La plainte...

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Jean-Luc Viudes

samedi 27 septembre 2003

Les éducateurs sont souvent dans la plainte. Plainte justifié ou injustifié là n'est pas la question. Se plaindre de son chef de service, du directeur, des enfants, des parents, des conditions de travail, du manque de personnel, des R.T.T. , des pas R.T.T., etc.... Il y a toujours matière (et manière) à se plaindre. Au risque parfois d'en oublier l'autre... Il est évident que la plainte de l'éducateur est un obstacle au travail éducatif. Se plaindre ou ne pas se plaindre là n'est toujours pas la question. Mais pourquoi se plaint-on ? Benjamin Jacobi (les mots et la plainte) rappelle que la plainte occupe une place prépondérante dans tout discours de souffrance. Il ajoute qu'elle se fonde initialement sur la reconnaissance d'un objet : la mère et le constat, toujours récusé, de sa nécessaire distance. Ce qui constituerait la plainte n'est pas fondamentalement le statut de l'objet, mais l'expérience d'un sujet qui se confronte à la différence, à la distance, à l'altérité de l'objet. Jacobi évoque également la plainte du médecin, du travailleur social, du psychologue qui ne peuvent être indifférents à la souffrance psychique ou physique. Il souligne que chaque professionnel aspire, en partie, à traiter sa propre souffrance en s'occupant de la souffrance de l'autre. Il se peut alors que la représentation d'une plainte en forme de reproche s'articule au sentiment qu'on ne peut rien ou pas grand chose à la douleur des autres et du même coup revient ce constat éprouvant que personne ne pourra apaiser la souffrance qui a présidé à un choix professionnel de spécialiste de la souffrance des autres. Dans les centres de formations, les futurs éducateurs sont souvent dans l'expression d'une plainte où le contact avec la réalité du terrain de stage les confronte à cette vérité du terrain. François Roustang ( La fin de la plainte ) pense que la plainte à travers ses dires s'écarte de ce qui est ressenti pour y être infidèle, y ajoutant du coup quelque chose de son cru. La Fontaine dit que la douleur est toujours moins forte que la plainte. Diderot estime que la plainte surfait toujours les afflictions. Roustang rajoute qu'au lieu d'être une pure transposition vers le dehors, à la manière d'un abcès qui cherche à se vider, elle exagère et se détache de son origine. Elle devient un artifice. Roustang pense que l'on se plaint pour laisser intact son chagrin, pour n'avoir pas à y toucher, à l'absorber ou à l'affronter. Elle devient bientôt, parce qu'elle dure, une fixation répétitive qui aliment le chagrin au lieu de l'épuiser. La plainte est pour lui un refus de la réalité qui s'impose. Un événement qui est venu rompre le cours d'une existence et d'un système relationnel présent, exigerait tant de modifications et de fatigues que l'individu ne pourrait s'y résoudre. La personne préfère nier que quelque chose ait eu lieu. Rien n'est arrivé et il préfère laisser dans l'état ses habitudes de penser, de sentir, d'agir. Le regard qui était posé sur le monde environnant se fige. Mais puisque l'événement insiste, il doit trouver un autre moyen d'y échapper. Il regrette son apparition, déplore les faits, espère et revendique un temps autre et un autre espace qui pèse sur lui désormais. Je ne peux me les approprier et m'en rendre responsable de quelque manière donc c'est à l'autre que doit en être attribué la faute : l'institution, l'équipe, les intervenants... La plainte en vient à porter plainte et à se répandre en accusations. Les travaux de Bion montrent que cette perte n'est rien d’autre que la perte du sein. Une des façons de ne pas perdre ou re-perdre ce sein consiste à s'attacher "à des petits riens" à "pas grand chose" seul moyen pour éviter de reconnaître l'essentiel. Sans oublier Freud évoquant également le sujet de la perte qui rappelle que le mélancolique sait qui il perdu mais non ce qu'il a perdu On ne peut éviter de parler de la castration qui est forcément en jeu dans la plainte. Celui qui se plaint s'imagine non castrable. S'accepter limité dans son emprise sur le désir de l'autre peut être compris comme épreuve de castration. Il existe de nombreux outils pour réduire ou sortir de la plainte : l'analyse des pratiques, l'activité, le projet, la formation continue,.... De nombreux outils pour éviter l'épuisement professionnel et donc... la plainte. Pour élargir le sujet tout cela n'est finalement que de la parole et comme le souligne Rouzel ( Le travail d'éducateur spécialisée ) la parole suit une trajectoire qui contourne l'objet perdu et à jamais perdu. Rouzel rajoute que les paroles qu'un sujet prononce sont les déchets, les ruines, les miettes de cette perte fondamentale. Pour résumer, un sujet annonce qu'il est manquant et que c'est ce manque qui le fait parler. Si un sujet s'avance comme manquant face à un autre, c'est qu'il espère que cet autre aura ce qu'il lui, manque. Ce manque va s'exprimer dans la parole soit pour en parler encore et toujours ou pour s'en plaindre ou encore pour le réclamer. J'évoque uniquement la plainte de l'éducateur car cette parole qu'elle soit d'un éducateur, d'un enfant ou un adolescent reste la parole d'un être manquant. A la différence que l'éducateur est là pour répondre de cette parole (sans répondre à cette parole) et que son intérêt personnel doit passer après son objectif professionnel. La question du narcissisme de l'éducateur peut également se poser. En faisant la distinction comme Eiguer ( Du bon usage du narcissisme ) avec le "bon" et le mauvais". On pourrait également évoquer ce sujet inépuisable de ce qui conduit au choix d'éduquer et aux intentions inavouables que développe Philipe Meirieu dans son livre Le choix d'éduquer . Un vaste sujet qui conduit à un mot devenu presque banal : l'éthique.

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