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La psychanalyse « à coups de marteau », par Jean-Bernard Paturet, érès. (note de lecture)

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Joseph Rouzel

mercredi 31 mars 2004

Jean-Bernard PATURET, philosophe et professeur à l’Université de Montpellier III, dans ses ouvrages précédents consacrés à la responsabilité en éducation ( De la responsabilité en éducation , érès, 2003) ou à une réflexion sur la position de maîtrise ( De magistro. Le discours du maître en question , érès, 1997), nous a habitué à une critique sans concession des soubassements de l’éducation, qu’elle soit dite nationale ou spécialisée… Dans cette dernière livraison, l’auteur lit les mythes et grands textes des philosophes de l’antiquité grecque en chaussant les lunettes de la psychanalyse. Cela donne un texte tout à fait décapant. L’anneau de Gigès, la Théogonie d’Hésiode, fiction de la création du monde, le mythe d’Er ou de la caverne, mais aussi les hautes figures de Socrate ou d’Empédocle sont ainsi revisités, questionnés, travaillés au corps. Dans la Naissance de la philosophie, Nietzsche écrivait que les philosophes grecs « philosophaient à coup de marteau », d’où le titre de l’ouvrage. Ce faisant Jean-Bernard PATURET avec beaucoup de doigté, sans en avoir l’air, parcourt toutes le grandes questions qui jalonnent le travail éducatif. Qu’en est-il de l’essence de l’être dit humain, que Lacan nommait parlêtre, parce qu’appareillé à la parole et produit par un manque fondamental ? Qu’en est-il des passions qui animent l’histoire de chacun, comme elles agitent l’histoire de tous ? Quid de l’amour, la mort, la justice et l’injustice. Et la politique, que l’auteur appelle de ses vœux à considérer comme une érotique, au sens où l’Eros des grecs est avant tout agent de liaison, facteur de lien social? « Gouverner pourrait signifier être capable de construire le lien commun, le sens collectif d’une cité dont les caractéristiques sont la diversité humaine, l’infinie virtualité, les innombrables variétés en même temps que la divergence et les contradictions d’intérêt ». Si gouverner, comme soigner et éduquer sont inscrits par Freud au registre des métiers impossibles, c’est parce qu’on peut y être « assurés d’un résultat insuffisant. » Jean-Bernard PATURET a retenu la leçon freudienne. Il ne prône pas un idéal social, un bonheur pour tous à la Saint Just. Il réveille ce que les anciens grecs avaient érigé en loi comme fondement du politique : « le partage des actes et des paroles entre habitants de la cité ». Dans un moment où le champ social est gagné par la folie généralisée des experts, des mesureurs, évaluateurs et manageurs de tous poils, cet ouvrage plein de saveur nous ramène sur terre, une terre où depuis que les grecs les ont inventés de toute pièce, la démocratie et la citoyenneté forment l’ »humus de l’humain » pour emprunter une expression de Lacan. Ce type de lien social est fragile, sans cesse menacé. Le retour aux sources qu’effectue avec beaucoup de grâce Jean-Bernard PATURET, questionnant l’un par l’autre la philosophie grecque et la psychanalyse, nous ramène à l’essentiel : l’énigme de chaque sujet, à la fois le plus grand mystère et le plus grand trésor de l’humanité. Le « marteau de la psychanalyse » serait ainsi le « sonar » de cet insondable humain, et parfois trop humain. Etre de démesure, d’ ubris , comme le disaient les grecs, l’homme ne devra sa survie qu’à lutter sans cesse contre sa propre destruction. C’est tout le sens de ce que Freud nommait Kultur : à la fois ce qui nous éloigne de l’animalité et ce qui nous permet de nous supporter les uns les autres. En ces temps troublés nous attendons les philosophes non dans des singeries sur quelque estrade ou strapontin ministériels, mais parmi nous, au plus près du peuple, des ses espérances et désespérances. Nous attendons des philosophes ironiques (questionneurs, comme le dit l’étymologie) pour que les mâchoires d’acier de la jouissance des sujets ou du totalitarisme des états ne nous broient pas. Mais du coup l’exercice de la philosophie est constant, il se manifeste en acte. Il confine à une entreprise de salut public.

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