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« Liberté, tu t’laisses aller ! »

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Serge DIDELET

lundi 18 janvier 2021

« Liberté, tu t’laisses aller !   »

 

« Il faut revenir à l’essence-ciel. Se parler, se déplacer pour acheter de la nourriture, prendre l’air, promener le chien…Essentiel. » 1

 

En 2020, et pour cause de pandémie, l’humanité a été assignée à résidence pendant plusieurs mois. Nous avons été isolés les uns des autres, interdits de contacts, de liens, de toucher, et même privés d’odorat. C’est une vie sans saveur, une mascarade généralisée, cauchemardesque, et qui ne saurait perdurer sans imploser.

Insidieusement, nos libertés se réduisent peu à peu. Depuis la vague d’attentats de 2015, l’état d’urgence s’est substitué à l’Etat de droit. La nouvelle donne est qu’il est passé début mars 2020, du sécuritaire au sanitaire. Ce sont maintenant le Ministre de l’Intérieur et le Préfet de Police – supervisés par Castex – lesquels, en vase clos, décident arbitrairement des mesures de restriction de libertés qui concernent l’ensemble de la population. La démocratie parlementaire est bafouée. Il devient urgent de pouvoir penser ensemble, afin de définir démocratiquement d’autres stratégies sanitaires ; et non, passivement, s’en remettre à un Directoire sanitaire régissant les vies quotidiennes de chaque-un. L’Etat autoritaire installe son pouvoir en jouant avec la peur des gens, les conditionnant, les abreuvant de vérités -souvent contradictoires et issues du discours de la Science - , et d’injonctions culpabilisantes, saturant tout l’espace d’informations, mettant en place de nouveaux outils de surveillance et de répression. Comme l’écrivait Machiavel : « Celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes. »

Malheureusement, et du fait du niveau d’aliénation sociale dans ce pays, il y a peu de contestation, d’autant – et c’est là où le bât blesse – que globalement, les mesures sécuritaires – l’hystérie hygiéniste et le principe de précaution à son plus haut niveau d’absurdité ! – rassurent la majorité des individus. Convaincue de la nécessité de faire face au Covid, et quel qu’en soit le prix à payer, la majorité de la population a renoncé à la liberté ; liberté qui induisait des actes dans le libre arbitre de chaque-un, des pratiques essentielles, aux saveurs antécovidiennes : aller au cinéma (à défaut l’Etat magnanime vous autorise d’aller à la messe !), au bistrot, au restaurant, en bibliothèque, à la piscine, chez des copains…faire ce que l’on veut…c’était encore ainsi, en 2019.

Par une surenchère quant aux moyens, toutes les conditions sont dès lors réunies pour faire le berceau d’une dictature durable. Le Covid est devenu en un an le signifiant- maître, la première préoccupation des trumains qui aiment croire en l’unanimité illusoire, symbole d’une injonction qui dictera l’idéal-type des bonnes conduites.

Par contre, si, comme moi et beaucoup d’autres - critiques mais gens de bonne volonté -, vous pensez que l’Etat sur-réagit, en fait un peu trop, que nous pourrions peut être faire autrement, vous êtes le suspect à abattre, l’asocial, le mauvais sujet à surveiller. Ainsi, en moins d’un an, je me suis « brouillé » avec deux normopathes avérés que je prenais pour des amis. La situation est clivante, elle favorise la pulsion de déliaison, composante majeure de la pulsion de mort.

COVID…un signifiant qui sature l’espace d’informations depuis un an. On ne parle plus que de ça, et les recommandations de Big Brother (Orwell 1950) sont diffusées en boucle sur les ondes nationales. Il y a comme un défaut d’ambiance, celle-ci est normative, culpabilisante, anxiogène. Cela renvoie au concept de pathoplastie, cher à Jean Oury : l’émergence de pathologies générées pas l’ambiance. Et oui, beaucoup d’individus deviennent malades, non du Covid, mais de ses conséquences sociétales.

 La délation, que l’on aurait pu croire disparue depuis Pétain, réapparait. De bons français, ravis dans leur veule obséquiosité, dénoncent leurs voisins à la Police, ces derniers ayant osé transgresser les injonctions étatiques, et réveillonnés avec des amis, le soir du 31décembre. Cette soirée fut marquée par quelques descentes musclées dans des sphères privées, des coups, des humiliations, des amendes pécuniaires, des gardes à vue…il n’y a pas d’erreur, nous sommes en France !

En outre, j’ai pu observer une surenchère dans l’exécution des gestes dits « barrières », croisant quotidiennement des « mickeys » masqués sur des chemins forestiers déserts. Une catégorie d’hommes aurait donc perdu tout discernement ? L’obéissance et l’endoxalite fonctionnent à plein régime, les puissants de ce monde peuvent être rassurés, ils ont de beaux jours devant-eux. Nous sommes dans un pays qui se tient sage 2

En attendant, les libertés s’amenuisent, se raréfient, nous assistons à un inéluctable rétrécissement des possibles et des marges de manœuvre, une vie-peau de chagrin pour beaucoup de catégories sacrifiées. Un seul mot d’ordre : « Travaillez ! » (télétravail pour les cadres, métros et autobus bondés pour la piétaille prolétaire), « Ne faites pas de vagues, rentrez chez vous et regardez BFMTV ; nous aurons des jours meilleurs. »

En outre, les avis dissonants sont écartés avec mépris, les bonnes nouvelles n’ont pas droit de cité. Les professeurs Tubiana, Toussaint, et Raoult (j’en oublie, il y en a d’autres…) sont devenus des complotistes extravagants, alors que ce sont des scientifiques aux travaux mondialement connus. A qui et à quoi sert cette ostracisation ?

Je ne suis pas un scientifique et j’avoue avoir du mal à me forger une opinion avisée, alors que chacun est envahi d’informations en boucle souvent contradictoires. Comme l’écrivait Hannah Arendt :  « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit en rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut pas se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez » 3 .  Le quidam que je suis se permettra juste quelques remarques et questions.

Avec une régularité métronomique, Castex nous parle à vingt heures, c’est un discours descendant, celui du Maître à l’esclave. Comme le disait Aristote : « Jamais l’esclavage n’est aussi bien réussi que quand l’esclave est persuadé que c’est pour son bien ».  Cet homme triste et vieillot a la tête des mauvaises nouvelles qu’il annonce, avec ses allures rétros de « père-fouettard », il incarne l’Autre qui punit, à grands coups de couvre-feux, de confinements, d’amendes pécuniaires, tout le monde est sous haute surveillance et chacun peut devenir le flic de l’autre. A défaut des sourires, la défiance de l’autre brille dans les yeux. Castex et consorts donnent des leçons de civisme aux français, comme si ces derniers, patients, disciplinés, résignés pour la plupart, et qui « en bavent » depuis mars dernier, étaient responsables de la situation :  cet état pandémique du monde qui, peut-être, fait signe d’une nature saturée et fragilisée qui se vengerait des (ex)actions humaines !?

Faute de compétences pour l’étayer, cette hypothèse ne saurait être négligemment écartée, et beaucoup de recherches, dans des champs différents, convergent en ce sens. Freud, visionnaire, écrivait en 1930 : « Les hommes sont arrivés maintenant à un tel degré de maîtrise des forces de la nature, qu’avec l’aide de celles-ci, il leur est facile de s’exterminer les uns les autres jusqu’au dernier. Ils le savent, d’où une bonne part de leur inquiétude actuelle, de leur malheur, de leur angoisse ». 4

Alors, l’Etat-Macron sur-réagit à grands coups de confinements, de couvre-feux, et de mascarades en plein air ; conscientisé de l’inadéquation de la structure hospitalière face à la recrudescence de la pandémie, et ne voulant pas être accusé de laxisme, il ne peut pas faire d’autres choix. Il faut rappeler aux amnésiques que, depuis plusieurs décennies, le système hospitalier, a été démantelé par les précédentes politiques, consacrées au culte du Dieu Gestion. Ainsi, si les citoyens de France sont assignés à résidence à partir de 18 heures, c’est pour limiter le nombre d’hospitalisations et parce que nos hôpitaux ne sont pas en capacité de soigner tous les malades, puisqu’on ne peut pas pousser les murs ! Il faut se souvenir de la dictature managériale, laquelle, pour optimiser les ratios financiers, supprimera 100 000 lits hospitaliers (et les emplois qui allaient de pair) entre 1993 et 2018.

En outre, il est déplorable de constater l’absence d’une réflexion sur ce que pourrait être un risque humainement acceptable. L’Etat surenchérit, fonce tête baissée, nous protégeant au besoin par la force et la coercition. Ce sont souvent les dictateurs qui choisissent seuls les chemins menant au bonheur de la population. Quand l’absurdité bouffonne de certaines mesures est érigée en système, la valeur humaine est niée, et le sujet, en dehors de toute logique, peinera à conserver une organisation psychique cohérente.

Ainsi, si protéger (de force éventuellement) devient liberticide, la société devrait se questionner quant à cette contradiction. En attendant, cette trouille étatique paralyse un pays, annule un million d’emplois et génère des pathologies psycho-sociales. L’Etat s’en prend délibérément au lien social, à ce qui fait société, et cela a des répercussions cliniques. La normose ambiante distillant morosité et ennui, en a fait décompenser plus d’un ; mais là, encore, l’infrastructure psychiatrique n’est pas à la hauteur de la demande. Souvenez-vous que les divers gouvernements ont supprimé 60 000 lits psychiatriques depuis le début des années 90, lorsque la gestion a commencé à supplanter le médical. Par conséquent, cet Etat d’urgence sanitaire induit une autre manière d’être au monde, faite d’enfermement, d’évitement des autres, de suspicion, et de repli sur soi. C’est l’esprit-même du collectif qui est en souffrance et s’il y aura beaucoup de victimes collatérales, faites de faillites financières et de chômage, il y aura aussi des catégories sacrifiées. Vivre ainsi, ce n’est pas une vie qui vaudrait la peine d’être vécue. Voir le niveau de désespérance et de précarité des étudiants, voir du côté des enfants, otages de cette période mortifère, freinés dans l’ auto-construction d’eux-mêmes, voir les personnes âgées dans les EHPAD, enfermées dans leur chambre pendant deux mois et demi, le printemps dernier, et beaucoup d’entre-eux, du fait de l’isolement affectif total, en sont morts de chagrin…syndrome de glissement dira l’Autre médical, augmentant sa nosographie.

On peut se demander quel est l’avenir de l’homme dans cette société sans visage. En menaçant notre santé, nos projets, nos aspirations, nos croyances en l’avenir, le virus tue aussi nos illusions et révèle cruellement les failles de cette société : Inadéquation du système de santé, impuissance des politiques, crise économique aux conséquences implacables, crise du lien social, signes ostentatoires de désespérance.

« Il faut bien composer avec la réalité et l’Etat fait ce qu’il peut »  rétorqueront les pragmatiques. Oui, mais depuis le début, il le fait mal, le remède générant autant de nuisances que la maladie, tel le pharmakon . 5  Cette crise devrait unir les gens et les responsabiliser, plutôt que les cliver, les infantiliser, et les soumettre. L’Exécutif devrait cesser de distiller quotidiennement la peur via les médias 6 , ces communications anxiogènes, qui, systématiquement, exagèrent les dangers sans jamais rien expliquer. Il y en a marre de cette infantilisation et de ces mesures imbéciles telle que l’obligation du port du masque en extérieur, dans la plupart des zones urbaines. Cela ne sert à rien et cela entretient une ambiance de bouffonnerie anxiogène où Ubu est devenu roi.

Alors, n’y aurait-il pas – pour vaincre l’épidémie – d’autres manières d’organiser les modalités du « vivre ensemble », plutôt que de paralyser un pays en obligeant les gens à rester isolé chez eux ? Les décideurs se posent-ils cette question ? Que pourraient-ils en dire ?

Enfin, il y a l’ultime recours qui peut être fonctionnera, les divers vaccins créés savamment en huit mois, qui – s’ils se pérennisent - vont générer un juteux marché financier, comme quoi il y aura des heureux du Covid, c’est indéniable ; cependant, et même si la campagne de vaccination démarre avec une lenteur inquiétante, ce vaccin est quand même une bonne nouvelle, dans ce pays qui forclot la mort, il va certainement permettre à moyen terme, la cessation des cas graves et des décès liés au virus. Au pays de Pasteur, nous devons lutter contre l’obscurantisme complotiste, laissons la peur des vaccins aux Témoins de Jéhovah (et la peur du rouge aux bêtes à cornes !).

Cependant, une grande fraction de la population demeure méfiante et sceptique, notamment les personnes de moins de quarante ans. A ce jour, seuls 55% des français ont décidé de se faire vacciner. Cette réticence fait signe du problème de fond : la perte de confiance des citoyens vis-à-vis des élites scientifiques et des décideurs des autorités sanitaires. On pourrait dire une défiance par rapport à l’autorité tout court, cet Autre sociétal ; un processus de déliaison qui fait malaise dans la civilisation. Oui, cette défiance est réelle, générée par la succession des scandales sanitaires de ces dernières décennies : sang contaminé, Médiator, amiante, et j’en oublie… « Qui sème le vent récolte la tempête ». 7

 

 (Les Houches, le 17/01/2021)

1  Joseph Rouzel, « Corona, psychanalyse », Editions le Retrait 2020.

2  « Un pays qui se tient sage », un film de Davis Dufresne (2020).

3  Ibid.

4  Freud Sigmund, « Malaise dans la civilisation », Editions Point 2010.

5  Pharmakon : mot issu du grec ancien qui pouvait signifier aussi bien le remède, la drogue, le philtre que le poison ou le venin.

6  Depuis presque un an, il y a une confusion organisée dans le but de faire peur. Voir l’annonce quotidienne du nombre de personnes contaminées, assimilées à des malades du Covid dans l’inconscient collectif.

7  Livre d’Osée 8,7 (Ancien Testament).

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